Culture

À Yanshuei, on danse avec les pétards

Lin Chieh-An
| No. 2 | Posted on 27th Jan 2015

Nous sommes 13 jours après le nouvel an lunaire. À Yanshuei, des foules, équipées de casques, de gants, de manteaux et de pantalons épais comme des guerriers prêts au combat, arrivent devant le Temple martial de Yanshuei.

« T’es sûr que ton manteau protège bien ? »

« J’sais pas. On verra ! »

Dos tournés aux « ruches », ils attendent impatiemment, ne pouvant s’empêcher de se retourner pour regarder ces structures.

À six heures du soir, le moment arrive. Des centaines de pétards sortent des « ruches » et attaquent sans pitié les fêtards. Les explosions et les cris dominent l’atmosphère tandis que tout le monde danse dans le fumée et dans la lumière.

Quitte à fêter le nouvel an lunaire de façon stéréotypée (danse de dragon, écriture de sentences parallèles, etc.), les habitants de Yanshuei (à Taïnan, Taïwan) ont des traditions qui impressionnent les touristes. Tous les ans, les 14 et 15 du 1er mois du calendrier lunaire, des gens venus de partout cherchent à être « félicités » par des pétards dits « de ruche ». Ces explosifs sont rangés en colonnes dans des boîtes. Lorsqu’ils sont allumés, les pétards sortent des boîtes comme des abeilles se précipitant hors de leurs ruches. D’où le nom.

Il serait possible que l’origine de la fête soit la peste qui ravagea Yanshuei en 1885. Faute de remèdes, les habitants prièrent les Dieux d’arrêter l’épidémie et le prêtre indiqua qu’il fallait faire défiler les Dieux dans Yanshuei en lançant les pétards sur le chemin pendant toute la nuit. Après le rite, le miracle arriva. La peste disparut quelques jours plus tard. Ainsi, pour remercier les Dieux, le défilé et le lancement des pétards sont reconduits tous les ans peu après le nouvel an.

Il faut savoir qu’une grande partie de ces pétards est à lancer vers les Dieux. C’est loin d’être irrespectueux. En revanche, l’éclat et le bruit symbolisent la popularité des Dieux dans la croyance traditionnelle. C’est pour cette raison qu’il est interdit de se positionner entre les palanquins des Dieux et les ruches, et que les participants sont invités à rester à l’extérieur, s’ils veulent « profiter » des balles perdues.

Pour les touristes, la sécurité est primordiale. Il est interdit de porter des K-way pour leur tissu en plastique. Le casque à moto est fortement recommandé pour bien protéger le visage et les yeux. En outre, il faut bien serrer tous les espaces par lesquels les pétards peuvent entrer comme le cou, les poignets et les chevilles. Malgré tout cela, les fêtards trouvent quand même leurs manteaux et pantalons troués et des bleus sur leurs jambes, bras ou poitrines. Mais ils trouvent également la joie et la satisfaction.

Les Taïwanais disent que « la fête (du nouvel an) n’est pas terminée si le 15 (jour de la fête des lanternes) n’est pas encore passée », d’autant plus que la fête de Yanshuei marque un apogée pour mettre fin au nouvel an lunaire. Les habitants de Yanshuei ont réussi à transformer une crise du passé en une coutume locale. Peut-être que peu de gens aujourd’hui connaissent l’histoire de la peste, mais du moins, l’éclat et le bruit restent dans la mémoire collective.