Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore.
Georges Bernanos
Le rêve américain consiste en l’idée selon laquelle nous pouvons bénéficier d’une vie prospère par notre travail et notre courage.
Actuellement, à l’autre bout du monde, un rêve taïwanais se dessine, à travers sa lutte sans cesse renouvelée contre la domination étrangère. Ce rêve est celui de la prise en main du destin de Taïwan par les Taïwanais, et non plus par des forces étrangères.
Aurore Formosane est une revue trimestrielle fondée par des Taïwanais rassemblés suite à la manifestation du 18 mars à Taïwan. Organe de réflexion et d’information à l’intention des sociétés francophones, elle traite de l’histoire et des actualités de l’Asie-Pacifique, telles qu’elles sont vécues et étudiées à Taïwan.
Le nom Formose provient d’« Ilha Formosa », qui signifie en portugais la « belle île ». Marqués par sa beauté, les marins portugais avaient en effet ainsi dénommé l’île de Taïwan lorsqu’ils la découvrirent au XVIIe siècle. D’une superficie de 36 000 km2 pour une population de 23 millions d’habitants, cette île a au cours de l’histoire été connue sous de multiples noms : Formosa, Taïwan, et plus récemment République de Chine. Ces trois noms aux nuances sémantiques significatives coexistent encore actuellement pour nommer l’île et son régime politique. Ces diverses appellations rendent parfois schizophrènes les habitants insulaires, autant identifiés comme citoyens de Taïwan qu’appréhendés comme représentants d’une autre Chine, pourtant distincte de celle du continent.
Taïwan est de facto un pays indépendant. Nous avons notre propre passeport ; nous votons pour notre propre président de la République. Bien que l’identité nationale reste confuse, un consensus identitaire a vu le jour sur cette terre où nous partageons une vie commune. Cette seule conscience d’occuper la même terre engendrera un jour, nous l’espérons, une riche et pérenne identité nationale.
Le 18 mars 2014, les Taïwanais se sont révoltés contre la pénétration du capital chinois dans l’île. Le Parlement a été pacifiquement occupé pendant 23 jours, et la manifestation du 30 mars a rassemblé 350 000 citoyens dans la capitale. Jouissant du plus haut niveau de démocratie en Asie, les Taïwanais luttent pour assoir une république qui n’appartient qu’à eux-mêmes ; et qui cultive à l’égard de la Chine une relation d’égal à égal, et non de subordonné, au mépris de notre histoire, de notre culture, de notre langue, souvent entrelacées avec celles de l’ancien Empire chinois.
Or, le silence a dominé dans les médias européens durant les événements du 18 mars. La complexité de la relation sino-taïwanaise et l’ignorance des peuples européens à son sujet ont favorisé ce silence. Nous sommes privés de parole et de reconnaissance sur la scène internationale non pas en raison de notre isolement géographique, mais de par notre exclusion subie de la communauté internationale qui considère Taïwan comme une affaire intérieure chinoise.
C’est la raison pour laquelle Aurore Formosane se lève aujourd’hui, rayonnante, afin d’éclairer le visage enfin exposé de Taïwan.
Dans ce premier numéro, nous avons le plaisir de vous révéler les visages divers de cette île multiculturelle qu’est Taïwan, à travers des articles allant de l’histoire à la philosophie, du tissu artisanal aborigène à une cuisine fusionnée taïwano-japonaise, tout en passant par une expression taïwanaise qui relève le passé rude de nos ancêtres.
Sun Yu-Jung
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