En janvier 2014, le comité du programme scolaire du lycée, sous tutelle du ministère taïwanais de l’Éducation, a approuvé une « révision légère » sur le programme actuel du lycée. Cette mesure a provoqué un débat violent au sein de la société et aurait entraîné la mort d’un lycéen 18 mois plus tard.
La polémique se concentre principalement sur le programme d’histoire. D’abord, il s’avère que la procédure de la révision était défectueuse. C’est une initiative purement ministérielle, et des réunions et des auditions surprises ont été organisées afin de minimiser la force surveillante. Faute de comptes-rendus complets, il se pourrait que certaines conclusions des réunions en faveur de la réforme aient même été inventées. Ensuite, certains critiquaient aussi le manque du professionnalisme. Beaucoup de termes subjectifs ont été adoptés dans le nouveau programme afin de favoriser un point de vue spécifique. Enfin, on découvre également que la partie sur l’histoire taïwanaise a été retouchée à défaut de spécialistes. C’est notamment pour cette raison que 139 historiens ont signé une pétition s’opposant à la révision.
Bien que dénie le gouvernement, la société l’accuse de « lavage de cerveaux » chez les adolescents. Dans l’absolu, il est inévitable qu’un gouvernement choisisse de raconter sa version de l’Histoire à ces propres citoyens, afin de stabiliser son règne et son pouvoir. Or, dans le contexte taïwanais, ce choix de l’idéologie est aussi celui de l’identité nationale. Si l’État taïwanais porte le nom de la République de Chine aujourd’hui, c’est parce que c’est un régime chinois qui a perdu sa guerre civile en 1949 contre les communistes. Faut-il suivre la ligne historique du régime et considérer ses citoyens chinois ? Si les habitants de l’île de Formose et de ses archipels se considèrent taïwanais, c’est parce que le gouvernement pro-Pékin et le peuple ne partagent probablement pas la même mémoire. Quand le manuel scolaire et l’histoire du papi se contredisent, à qui faire confiance ?
Malgré le suicide d’un des leaders lycéens, le gouvernement refuse toujours de réviser sa démarche et n’accepte que la coexistence de l’ancien et du nouveau programmes. Mais lycéen ou pas, la narration de l’histoire de Taïwan devrait être déterminée par le peuple taïwanais qui continue à l’écrire. Cette lutte contre la modification des manuels scolaires n’a pas conduit vers une victoire. Cependant, la réflexion sur le rapport entre l’histoire et l’identité nationale est désormais mise en débat.