Culture

Taipei Biennale 2016 – Gestures and Archives of the Present, Genealogies of the Future: a new lexicon for the biennial

Margot Guillemot
| No. 9 | Posted on 23rd Feb 2017

Ouverte depuis le 10 septembre 2016, le musée des Beaux-Arts de Taïpei vient de fermer la 10e édition de sa biennale d’art contemporain. Les Français ont la cote à Taïpei, après Nicolas Bourriaud en 2014, le musée a invité cette année Corinne Diserens comme commissaire de la biennale.

Ce sont les travaux de plus de 80 artistes de plus de 20 pays différents qui composent les deux étages dédiés à l’exposition – le troisième et dernier niveau consacré à présenter l’histoire de la biennale depuis sa première version en 1998.

Dans l’espoir que le passé donne des leçons au futur, les œuvres présentées dans cette très sérieuse exposition nous rappellent les actions humaines remettant en cause l’histoire, l’identité ou encore la culture. Des questions qui ne semblent pas déplacées dans un Taïwan en quête de la reconnaissance de son identité et de son histoire propre, et dans un monde en perpétuel renouveau, parfois sur les cendres de l’ancien. Des plus frappantes, Chen Chieh-Jen – sur quatre vidéos en noir et blanc projetées cote à cote – se base dans Realm of Reverberations (2014) sur l’histoire du sanatorium de Losheng. Le sanatorium a été construit par les Japonais dans les années 30 pour héberger des patients atteints de la lèpre. Même si les patients furent autorisés à quitter le sanatorium au milieu des années 50 du fait des avancements de la lutte anti-lépreuse qui n’obligeait plus l’isolement des malades, la majorité d’entre eux restèrent, faisant face à la discrimination et aux effets psychologiques de la quarantaine à laquelle ils avaient été forcés. En 1994, le Taipei Rapid Transit System, dû aux besoins lors de la construction de lignes du métro, décide de construire un dépôt là où se trouve le sanatorium. Une centaine de patients y vivent encore, internés depuis parfois plus de 50 ans. Pendant plus de 10 ans s’est battu un mouvement pour la préservation de sanatorium autant pour épargner ses habitants que le reconnaître comme monument historique, témoin des traitements affligés aux lépreux. Chen Chieh-Jen a commencé à tourner son film en 2014, alors que 70 pourcents des bâtiments de Losheng ont été détruits. Il raconte cette histoire au travers les habitants du sanatorium, une jeune femme qui les a accompagnés, une infermière venant de Chine ayant vécu la Révolution culturelle avant de venir à Taïwan ainsi qu’un personnage fictif, une prisonnière politique vivant à Taïwan depuis la colonisation japonaise à Taïwan jusqu’à nos jours.

Ces choix d’œuvres et d’artiste amènent une dimension fortement documentaire à l’exposition, une nature anthropologique et comme le suggère le titre de l’exposition, dresse une archive du passé et une généalogie pour le futur. Je ne suis pas sûre que l’on se sente rassuré sur l’humain en sortant du musée – même après avoir franchi un mur de boucliers anti-émeute pour accéder à un jardin (Eric Chen & Rain Wu, Sketch for Collectivism, 2016) – mais voilà aussi un but de l’art, d’archiver, de documenter, de poser un regard et interpréter l’avant et le maintenant – et même l’après. C’est une exposition ouverte à qui accepte de s’assoir et de regarder, de prendre un moment à vouloir apprendre et contempler, non pas un art qui se regarde lui-même, mais qui se penche sur des enjeux historiques et sociaux.