Culture

Café Formosa

Matthieu Fontaine
| No. 3 | Posted on 9th May 2015

Cela fait trop longtemps que je n’écris plus pour moi. Las du long hiver québécois, mon cœur se réchauffe très vite à l’idée de pouvoir voyager à nouveau à Taïwan. Dehors, très tôt ce matin, les oiseaux chantent la bienvenue au soleil pendant que ses premiers rayons, d’un tango éclatant, illuminent le vieux papier taïwanais sur lequel je rédige ces mots. C’est le printemps, enfin ! Bienheureux, cette douce et chaude lumière emporte mon écriture vers l’Île aux Orchidées, où pendant quelques étés, je me suis réveillé sous un soleil incandescent, au son de la mer et des rires des enfants de cette petite île perdue dans le Pacifique. Dès l’aube, ils jouaient tous les matins, déjà tout pleins d’énergie, dans leur cour d’école, un terrain vague au bord de l’océan, en nous attendant, impatients de nous revoir. Comme je me réjouissais de cet accueil quotidien dans le berceau du peuple Tao. Formose et ses archipels sont de véritables îles aux trésors… Et la bienveillance de ses divers habitants constitue en vérité l’un de ses plus beaux joyaux.

Bref, le soleil est maintenant levé. Il est grand temps que je me prépare un café. Paresseusement, je rentre pour rassembler les pièces de ma cafetière à dépression. Non pas surnommé ainsi à cause de mon humeur nostalgique, mais bien parce que ce petit kit de chimiste en herbe, avec son bec Bunsen, son ballon sur trépied et son vase en pyrex, concocte un excellent café grâce à l’usage astucieux des lois de la pression atmosphérique. Ce sont bien les Taïwanais ça ! En plus d’être bons, ils sont ingénieux ! J’allume le brûleur. Puis, minutieusement, comme me l’a enseigné mon maître-siphoniste à Taipei, j’entame l’infusion de cet élixir contenant tant de mes souvenirs…

Saviez-vous que Taïwan est l’une des rares régions de l’Asie qui peut à la fois se vanter de son riche héritage agronome, comme de sa florissante culture, relativement au café ? Dès le XIXe siècle, les premières grandes plantations sont l’œuvre de la British East India Company. L’Empire du Japon prend ensuite le relai au début du siècle suivant et fait du café taïwanais, qu’il exporte fièrement, l’un des fleurons de son projet de modernité, tout en inaugurant les premiers salons de café de l’île. Aujourd’hui, fort de son succès économique et démocratique, Taïwan produit toujours un grain de café d’une excellente qualité et sa jeunesse entreprenante, hypermoderne et connectée au monde carbure plus que jamais à l’aide de cette même décoction qui au XVIe siècle soutenait les mystiques soufis en Arabie, pendant leurs longs rituels. Mais, je m’allonge… Et réalise que le soleil est maintenant assez haut dans le ciel. À ce sujet, je dois retourner à la rédaction de ma thèse de maîtrise. Aller ! Un peu plus de café pour prendre courage !