Culture

Une élection qui envahit la maison !

Mélanie Ferrand
| No. 6 | Posted on 11th Feb 2016

Mon premier contact avec la vie politique à Taïwan s’est fait quelques mois après mon arrivée sur l’île, en janvier 2012. Invitée par une colocataire à participer au mariage de sa sœur dans le centre du pays, nous assistions le soir même, et à ma grande surprise, à l’un des derniers meeting de campagne de Tsai Ing-Wen. Une semaine plus tard elle perdait les élections contre Ma Ying-jeou, réélu assez largement.

Moi tout ça me passait un peu au-dessus, mon niveau de chinois était au raz du sol, alors la politique taïwanaise, j’en étais bien loin… J’aurai presque oublié l’événement si ce n’était un petit détail : cette petite serviette sur laquelle est inscrit « Tsai Ing-wen, Taiwan Next » qui trône encore dans ma cuisine. Mine de rien, un candidat politique à Taïwan, ça vous envahi une maison ! Les crayons, les gommes, les carnets, les calendriers, les éponges, les casquettes, les bouteilles d’eau, les inévitables autocollants, et même les cochons tirelires ! Le candidat est une marque, et tout est permis pour essayer de le rendre tendance. En 2015, Tsai Ing-wen avait tellement le vent en poupe qu’une boutique entière consacrée à la vente d’objets à son effigie avait été installée dans le centre de Taipei. Plus c’est mignon, plus ça passe. Gratuits ou payants, ces objets s’inscrivent dans le quotidien, élections après élections.

M’étant au fil des années familiarisée avec la culture locale (et la langue chinoise), je dois avouer avoir été surprise de remarquer des « étrangetés » dans les habitudes politiques locales. Voyez-vous, à Taïwan on reste statique à un concert de rock, mais on chante et on danse lors des meetings de campagne. On ne débat pas politique entre amis ou en famille, mais on s’enflamme sur internet. On n’a pas de nature moqueuse pour un sou, sauf quand il est question de ridiculiser un politique. On parle aussi de victoire de la démocratie quand la participation à une élection présidentielle est au plus bas.

Mais ce qui me marque le plus aujourd’hui c’est l’implication des jeunes en politique. Née en France dans les années 80, ma génération vit dans l’ombre Mai 68. À Taïwan, Mai 68 c’était il y a deux ans. Ici on l’appelle 318. Bien sûr le Mouvement des tournesols, comme on le nomme à l’étranger, est extrêmement différent de l’événement français. Tout de même, les deux ont en commun d’avoir créé un sursaut national, provoqué par les jeunes générations dans un esprit de défi à l’autorité, politique ou sociale. Ils ont depuis été nombreux à se lancer en politique, rajeunissant soudainement la moyenne d’âge des candidats.

C’est donc avec une immense curiosité que j’observerai les prochaines périodes d’élections à Taïwan, pour vérifier si les élans post-318 réussissent ou non à s’inscrire dans le temps… Autrement que par des vestiges d’objets plus ou moins utiles !