Politique

Le mariage pour tous en Asie ?

Hsu Hsiao-Chiang
| No. 9 | Posted on 23rd Feb 2017

Lorsque le Parti démocrate progressiste (DPP) a gagné la majorité aux législatives et que sa candidate Tsai Ing-Wen a remporté à la présidentielle en janvier 2016, la communauté LGBT a cru qu’elle pourrait bientôt obtenir l’égalité devant le mariage, et jouir du droit au mariage. Un an auparavant, la présidente Tsai avait affiché qu’elle soutenait le mariage pour tous pendant un défilé du groupe LGBT. Mais le chemin vers l’égalité devant le mariage s’avère finalement plus dur et plus long que beaucoup l’avaient prévu.

Les discussions en vue d’élaborer une loi instaurant le mariage pour tous ont commencé dans le Parlement taïwanais après que le DPP eut acquis le pouvoir législatif. Mais c’est un événement, le suicide d’un Français gay habitant à Taïwan, qui a provoqué des débats sur le sujet, et a poussé une députée du DPP à soumettre un projet de loi pour modifier le Code civil. Le projet vise à neutraliser, dans le chapitre de la parenté du Code civil, tous les mots qui interdisent le droit au mariage pour les couples de même sexe. Par exemple, écrire qu’un mariage est formé « par deux parties » mais pas nécessairement « par un homme et une femme ». En fait, c’est la deuxième fois qu’une proposition de loi de la sorte est traitée au niveau parlementaire. La première fois, en 2012, un amendement du Code civil avait été proposé par la même députée, mais avait été repoussé par le Parti Kuomintang (KMT), qui avait la majorité à ce moment-là.

Pour soutenir cette proposition de loi, près de 80 000 personnes ont défilé fin octobre à Taïpei. Selon des sondages, l’opinion publique se révèle en majorité favorable ou indifférente à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, avec un très fort taux d’approbation chez les jeunes. Pendant le défilé, les drapeaux arc-en-ciel ont flotté dans le ciel de Taïpei, et beaucoup de personnes pensent que Taïwan se rapproche de plus en plus du mariage pour tous.

Mais le projet de loi a également provoqué une opposition énorme. Des groupes qui luttent contre la loi se sont mobilisés et ont encerclé le Parlement taïwanais, essayant d’obstruer la procédure de discussion législative. Les manifestants ont expliqué à la presse qu’ils ne s’opposaient pas à la protection des droits des homosexuels, mais réclamaient la tenue d’un référendum, et de plus amples discussions. Premier succès des opposants au projet : l’atmosphère a soudainement changé, et plutôt que de modifier le Code civil, l’option la plus en vue désormais vise à créer une loi spécifique pour le mariage homosexuel, une alternative considérée comme discriminatoire par ceux qui soutiennent le mariage pour tous. Même le dirigeant du groupe DPP au Parlement a montré sa préférence pour une loi spécifique. Face à l’opposition conservatrice et au risque de dénaturation du projet initial, 200 000 personnes ont donc manifesté à Taïpei le 10 décembre, journée mondiale des droits de l’Homme, poussant la présidente Tsai à montrer sa détermination à garantir un véritable mariage pour tous.

Si on considère la situation actuelle, il semble que le gouvernement essaie d’atténuer le conflit entre les partisans de l’égalité du mariage et les opposants. Le 26 décembre, le Parlement taïwanais a passé deux textes sur l’égalité devant le mariage en première lecture, l’un portant sur une modification du Code civil, et l’autre sur la création d’un chapitre spécifique pour les couples du même sexe. La deuxième lecture aura lieu au cours de la prochaine session parlementaire. Sans surprise, plusieurs milliers d’opposants à cette réforme se sont réunis devant le bâtiment afin de demander l’organisation d’un référendum. En réponse à ces protestations, les militants favorables au mariage pour tous se sont eux aussi rassemblés pour soutenir l’initiative. En 2017, si le texte est adopté, Taïwan pourrait devenir le premier État d’Asie à légaliser l’union entre personnes du même sexe.