Société

L’origine des conflits à propos du mariage pour tous

Wu Wei-Fu Sun Yu-Jung
| No. 9 | Posted on 23rd Feb 2017

À Taïwan comme en France, le projet de loi sur le mariage homosexuel déchire quasiment la société en deux : jeunes contre parents, croyants contre athées, etc. Par ailleurs, le sujet semble réunir dans une protestation commune les diverses religions qui n’ont jamais été d’accord entre elles. Si le phénomène qui s’est produit en France il y a trois ans se reproduit presqu’à l’identique à Taïwan aujourd’hui, alors les oppositions entre les religions, la société et la loi révèlent peut-être un problème plus universel qu’on ne le pensait.

Certains disent que le mariage pour tous ne fait que permettre de dire « je t’aime » à qui l’on veut, et que tout le monde est censé pouvoir aimer qui il veut. Or, même un énoncé aussi simple que « je t’aime » n’est jamais sans contrainte. Cette phrase est en général considérée comme romantique, mais dans certains contextes, « je t’aime » peut potentiellement suggérer un harcèlement sexuel, un rapport pédophile, ou même un inceste. L’amour n’est jamais aussi libre qu’on ne l’imagine. Les normes qui dessinent notre paysage culturel font partie des contraintes sociales qui régissent nos vies, mais auxquelles on ne pense jamais. La morale élabore des doctrines à partir des normes sociales, et enfin, la loi consolide les règles qui rendent possible une République.

La controverse autour du mariage pour tous est en fait une conséquence du conflit entre l’aspect des normes, l’aspect moral ; et enfin l’aspect juridique. Le mariage protégé par la loi n’est pas censé avoir plus de sens qu’un contrat entre deux citoyens, le Pacte civil de solidarité français représente parfaitement cet esprit. Or le terme « mariage » porte beaucoup plus de sens dans les normes sociales et dans la question morale où les religions jouent souvent un rôle central.

Le conflit provoqué par le mariage homosexuel semble éclairer un rapport de force entre l’État, les normes et la morale. De plus, le fait que certains groupes au sein de la société évoluent plus vite que les autres sur certaines questions trouble l’harmonie entre les trois aspects des contraintes pesant sur les actions humaines. Quel résultat la société taïwanaise attend-t-elle de cette lutte et de ce rapport de force sur la question du mariage homosexuel ?